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Plusieurs courants de pensée, issus de divers horizons culturels et cultuels, soulignent depuis bien longtemps que la maximisation du profit doit être en conciliation avec le respect des valeurs morales. Les théoriciens relevant de ces courants mettent l’accent sur la prise en compte de l’éthique et de la responsabilité sociale dans le monde des affaires. C’est donc de ce sillage que l’on peut situer la finance islamique, du fait du caractère moral des principes qui la régissent et de la place qu’occupe l’éthique dans son fonctionnement.

Basée sur les principes de Shari'a qui imposent justice, équité et transparence, la finance islamique met en avant l'éthique et la morale et puise ses sources dans la révélation divine, la Sunna et le droit islamique en général. Elle est basée sur deux principes: l'interdiction de l'intérêt et la responsabilité sociale de l'investissement. Elle lie plus étroitement la rentabilité financière d'un investissement avec les résultats du projet concret associé. L’islam interdit les transactions tant civiles que commerciales faisant recours à l'intérêt (ribâ) ou à la spéculation (maysir). Par ailleurs, l’absence du taux d’intérêt, caractéristique essentielle de la finance islamique, ne suffit cependant pas pour résumer les fondements de la finance islamique, même si c’est autour de ce principe qu’elle s’est organisée. La notion de partage de profit et de pertes, qui est à la base de la rémunération du prêteur, en l’absence de taux d’intérêt, est tout aussi importante. La finance islamique s’intègre dans la théorie économique islamique dont les principes constituent le référentiel.

Aujourd’hui, le marché de la finance islamique représente plus de 1000 milliards de dollars,  avec plus de 300 institutions financières islamiques de par le monde et pouvant atteindre 28 000 milliards à l’horizon de 2015. La moitié des actifs gérés par les banques et les compagnies d’assurance est issue du proche orient et l’Iran. Mis à part le golf persique, la Malaisie est également une grande place de la finance islamique, sachant que les deux tiers des obligations conformes à la Shari’a y sont émises. En effet, si le principal centre de la finance islamique demeure la région du golfe Arabo-persique, quelques pays du Sud Est asiatique, notamment la Malaisie, semble devenir le parangon de la finance islamique moderne avec : 14 banques islamiques et 8 fonds mutualistes Takafoul, le premier marché de cotation et d’émission de soukouks, 86 % des sociétés cotées garanties Sharia (conforme), et une capitalisation boursière de 213 Mds $. En effet, dès 1983, à une époque où l’objet était encore aussi marginal que décrié, y compris dans le monde musulman, ce pays s’est progressivement doté d’une législation et des instruments permettant la pratique d’opérations bancaires, commerciales ou assurantielles sharia-compatibles, sur la base d’une interprétation sophistiquée et très extensive de prescriptions indiquées dans le corpus dogmatique de la foi.

Par ailleurs, si elle se concentre essentiellement au proche orient et en Malaisie, la finance islamique s’exporte depuis quelques années aux Etats-Unis et en Europe, où la première banque islamique, Islamic Bank of Britain, a été ouverte en 2004, notamment à Londres mais aussi en Allemagne. De fait, la Grande Bretagne a adopté des règles juridiques et fiscales de nature à renforcer l’attractivité de la place financière de Londres grâce à une offre de services adéquates. Le succès des banques islamiques ne s'arrête donc pas aux frontières des pays musulmans. Les pays occidentaux, avec à leur tête l'Amérique du Nord et l'Europe, ont cherché à adapter leur législation pour pouvoir intégrer les banques islamiques et attirer ainsi les investisseurs des pays du Golfe. De plus, certains pays européens ont fondé des banques islamiques de détail afin de répondre à la demande de leurs clients musulmans. Les efforts législatifs les plus importants autorisant l'activité des banques islamiques ont été observés au Royaume Uni, pionnier européen de la finance islamique. En France, de nombreux efforts ont été faits avec notamment la reconnaissance depuis 2007 des Sukuks qui sont des emprunts obligataires conformes à la Shari'a car basés sur le principe de partage des pertes et profits.

Le Maroc à son tour s’apprête dans un avenir proche, à enrichir son système de financement et d’assurance en s’inspirant du modèle islamique conforme à la Sharia, tout en préservant sa spécificité d’après le projet de loi y relatif adopté dernièrement par le conseil du gouvernement. Toujours d’après le texte cadrant ce projet de loi, la tendance serait de lancer un nouveau système tout en sauvegardant l’équilibre du système financier marocain et en consolidant sa place de leader aussi bien sur le plan arabe qu’africain.

La présente édition du Colloque International du Développement Local constitue donc un espace de réflexion et d’échange à propos de la finance islamique entre chercheurs, experts internationaux, hauts responsables et décideurs  financiers, régulateurs et acteurs politiques mais aussi une opportunité pour les doctorants et les étudiants des Masters  notamment le Master Finance, Banque Assurance de la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales d’Agadir de  comprendre et maîtriser les concepts et techniques employés par la finance islamique et développer leurs savoirs et compétences dans les différents compartiments de l’industrie des services financiers islamiques .

Le débat sera donc axé sur des problématiques portant d’une part sur la doctrine musulmane relative aux transactions financières ou fiqh et d’autre par,  la technique ou la pratique en matière  de la finance islamique, à savoir : Quels sont les fondements et les principes de la finance islamique? En quoi est-elle différente de la finance des banques et des assurances ou de la finance conventionnelle en général ? Quelles sont ses limites mais aussi ses avantages et points forts pour être une solution alternative à beaucoup de problèmes de financement et développement et surtout pour être un vecteur primordial capable de relancer l’activité économique et sociale? Est-il possible d’innover et d’inventer de nouveaux produits et services modernes capables de satisfaire les besoins du développement sans compromettre les fondements et les principes de la sharia ? Quelles perspectives pour la finance islamique au Maroc et ailleurs ?

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